Aller au contenu

Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
107
LES AVENTURIERS DE LA MER


évaluée à un demi-million de livres sterling jetées à la mer — douze millions cinq cent mille francs de notre monnaie, voilà un effet de brouillard qui coûta cher ! Le fer, on le voit, n’offre pas plus que le bois de résistance contre certains dangers — au contraire.

À ces deux faits s’est ajouté, quelques années après, la collision de deux cuirassés allemands, près des côtes d’Angleterre.

Après une campagne d’évolution dans la mer du Nord, la flotte allemande se trouvait près du littoral britannique, lorsqu’un ordre mal compris à bord du Kœnig-Wilhelm, de manœuvrer le gouvernail pour venir sur tribord — le contraire fut exécuté — fit enfoncer l’éperon de ce vaisseau dans l’arrière de la coque du Grosser-Kurfürst — 31 mai 1878.

Le cuirassé abordé fut envahi par l’eau en si peu de temps que le commandant ne put réaliser son intention d’aller échouer son bâtiment pour l’empêcher de couler. On vit le Grosser-Kurfürst s’enfoncer rapidement dès que l’eau eut pénétré par les sabords et sombrer en moins d’un quart d’heure.

Les embarcations des navires présents furent mises à la mer. Un grand nombre de barques anglaises arrivèrent aussi sur le lieu du sinistre. Néanmoins sur quatre cent trente et un hommes composant l’équipage du Grosser-Kurfürst, deux cent soixante-neuf périrent.

Les avaries subies par la proue du Kœnig-Wilhelm étaient considérables. À son entrée dans le bassin de carénage de Porstmouth, où le cuirassé allemand dut subir une réparation, on reconnut que son éperon était courbé à tribord sur un angle d’environ quarante degrés, l’étrave brisée en deux endroits à la hauteur de la pièce qui la relie à la partie antérieure de la quille, et à la tablette de la cuirasse. À bâbord, les plaques de métal avaient été séparées de l’avant du navire, les parties antérieures des plaques, déchirées, laissaient une ouverture de dix-à douze pouces. Les plaques apparaissaient presque toutes recourbées, tordues ou brisées. Il y avait une ouverture béante, suffisante pour faire couler le navire quelques minutes après la collision, si on n’avait pas eu la présence d’esprit de fermer immédiatement les portes des cloisons étanches. Quand on songe que le Kœnig-Wilhelm était considéré comme un des plus beaux navires de guerre et comme l’un des plus solides, qu’il avait été construit dans le but spécial de couler ses adversaires à l’aide de son éperon, il est permis de mettre en doute l’efficacité pratique de l’éperon dans un combat naval. Au moment de la collision,