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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/109

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LES AVENTURIERS DE LA MER


Un genre de collision qui devait immanquablement se produire, avec la nouvelle marine cuirassée, a occasionné déjà la perte de plusieurs navires. Avec les anciens bâtiments de bois, de pareilles rencontres ne pouvaient avoir la même gravité ; mais l’éperon devint tout d’un coup un danger permanent, même dans la navigation ordinaire des escadres. Ainsi, le 21 juillet 1875, l’aviso à vapeur le Forfait, faisant partie de l’escadre d’évolution de la Méditerranée, sous le commandement de l’amiral de la Roncière, fut, près des côtes de la Corse, abordé par la frégate cuirassée la Jeanne-d’Arc, dont l’éperon lui défonça le flanc au-dessous de la flottaison. L’eau pénétra à flots dans l’intérieur du navire, qui sombra moins d’un quart d’heure après l’abordage. Son commandant, le capitaine de frégate Nivielle, jugeant la perte du Forfait certaine, et uniquement préoccupé du salut de son équipage, ordonna à tous ceux qui savaient nager de se jeter à la mer, obligeant les autres à quitter aussi le bâtiment, muni chacun d’un espar qui pût les soutenir sur l’eau.

Le commandant, qui n’avait pas quitté la passerelle, abandonna le dernier son bâtiment en se jetant à la mer pour gagner la baleinière de la Jeanne-d’Arc. À peine cette embarcation s’était-elle éloignée que le Forfait s’enfonçait complètement dans l’eau.

La même année, un accident presque identique amena la perte du cuirassé anglais le Vanguard, puissant navire de la marine nouvelle, faisant partie d’une escadre de la flotte du canal, qui comprenait en outre le Warrior, l’Achille, l’Hector, l’Iron-Duke (l’Iron-Duke : le Duc de fer, qui est, on le sait, le surnom donné à Wellington), plus le Hawk monté par le vice-amiral Tarleton. L’escadre stationnait à Kingstown. Dans la matinée du 1er septembre, elle évolua vers Cork. Mais une demi-heure après midi, par un brouillard qui interceptait la vue à moins de cinquante mètres, l’Iron-Duke aborda le Vanguard et ouvrit dans ses flancs une si large brèche que la mer s’y précipita avec violence.

Il parut impossible de songer à obstruer la voie d’eau, et de sauver le cuirassé. Toutefois, grâce au sang-froid du capitaine Dawkins, admirablement secondé par ses officiers, le sauvetage s’opéra avec la plus grande sûreté. Les matelots se tenaient en rang sur le pont comme pour une inspection et aucun ne quitta sa place sans en avoir reçu l’ordre. Le dernier homme avait été reçu à bord de l’Iron-Duke lorsque le Vanguard s’abîma dans les flots.

L’équipage étant sain et sauf, la perte réelle du Vanguard put être