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LES AVENTURIERS DE LA MER


Le Kent, navire de treize cent cinquante tonneaux, à destination du Bengale et de la Chine, parti d’un port de la Manche le 19 février 1825, avait à son bord trois cent quarante-quatre soldats faisant partie du 31e régiment ; quarante-six femmes et soixante-six enfants, les officiers, les autres passagers et l’équipage portaient le nombre total de personnes embarquées à six cent quarante.

Le 1er mars, ce navire naviguant près du littoral breton, par le travers de Penmarck, fut assailli par un violent coup de vent. Dans la cale des barriques roulaient. Un officier, craignant qu’il ne survint des accidents, y descendit avec deux matelots. Au moment où ces hommes calaient une barrique d’eau-de-vie, la lanterne qui les éclairait tomba et mit le feu à la barrique. Bientôt le roulis du navire promenant les flammes bleuâtres de l’alcool dans toute la cale alluma un véritable incendie dont rien ne put arrêter le développement.

Le terrible cri : Au feu ! retentit et vint jeter l’alarme parmi les passagers. Le capitaine fit jouer les pompes, mouiller les voiles ; mais toute l’énergie déployée par l’équipage demeura inutile ; les écoutilles vomissaient des tourbillons de fumée qui roulaient comme un torrent sur le pont du navire.

En ce terrible moment, dit la relation émouvante de ce sinistre, donnée par le capitaine Mac Grégor, le capitaine fit pratiquer des voies d’eau dans le premier et le second pont, et ouvrir les sabords de la partie basse, afin de laisser entrer la mer : noyer l’incendie sous des montagnes d’eau était la dernière chance de salut. Et, en effet, les vagues se précipitant avec violence, brisant les cloisons, dont elles dispersaient les débris de toutes parts, arrêtèrent la violence des flammes et les réduisirent à une marche lente et sourde qui laissait pour un temps les poudres à l’abri ; mais à mesure que le danger de sauter diminua, celui de sombrer devenait plus imminent, et l’on songea à fermer les sabords, à boucher les écoutilles, pour exclure à la fois et la mer qui eût fait enfoncer le navire, et l’air qui eût accru la vivacité de l’incendie.

« Ce fut dans ce moment de repos, pendant lequel chacun se trouva réduit à une condition passive, que l’on commença à mesurer la profonde horreur de la situation de l’équipage.

« Quelques soldats, une femme et plusieurs enfants avaient péri dans l’entrepont, suffoqués par la fumée acre et épaisse. À l’exception de ces premières victimes, tout le monde était sur le pont supérieur, où se succédaient les scènes les plus déchirantes ; les uns attendaient