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LES AVENTURIERS DE LA MER


fragments de bois carbonisés y furent projetés. Pas un bec de gaz ne resta allumé dans la ville. Les curieux qui se pressaient en foule sur les quais de Toulon furent renversés. Un tronçon de bois enflammé, de deux à trois mètres de longueur, défonça la toiture de la cale de la Victorieuse, dans les chantiers du Mourillon, et mit le feu au pont du bâtiment. Le feu prit également à la toiture de la cale de l’Éclaireur, mais ces commencements d’incendie furent éteints presque aussitôt grâce à l’intelligente activité des pompiers de l’arsenal. L’explosion s’entendit jusqu’à plus de vingt kilomètres, et la gigantesque colonne de feu qu’elle lançait vers le ciel fut aperçue de très loin en mer.

L’amiral Penhoat, préfet maritime, s’était rendu en rade dans son canot. Tous les fonctionnaires se trouvaient à leurs postes, et la marine, la troupe, la population, réunies sur le lieu du désastre, se tinrent prêtes à toutes les éventualités.

Le conseil de guerre, à l’unanimité, prononça l’acquittement du commandant Galiber, comme ayant fait courageusement son devoir.

Bien autrement dramatique — et terrible dans ses conséquences — fut l’incendie du Sphinx. C’était vers le milieu de mars 1877, au cours de la dernière guerre d’Orient.

Le Sphinx, un des plus forts bâtiments à vapeur du Lloyd austrohongrois, devait transporter pour le compte du gouvernement ottoman de Cavalla à Lottokin, dans le nord de la Syrie, environ quatre mille Circassiens qui fuyaient devant les troupes russes. Comme le navire n’avait pas emporté de ballast, il ne manœuvrait que difficilement, et se voyait obligé de marcher avec une certaine lenteur. Cependant la traversée s’était faite sans encombre, lorsque, arrivé entre l’île de Chypre et les côtes de la petite Asie, il fut assailli par un vent des plus violents ; une seule vague, en balayant le pont, emporta une cinquantaine de personnes. Il fut décidé alors que l’on relâcherait à Famagosta ; tout en faisait un devoir au capitaine : l’état de la mer et l’obligation pour les Circassiens fugitifs de renouveler leurs vivres épuisés.

Tout à coup, le feu éclate dans les compartiments du navire, où un grand nombre de ces pauvres gens avaient trouvé place. Au lieu de laisser à l’équipage le soin de l’éteindre et de monter sans perdre de temps sur le pont, ils essayèrent de faire face au danger. Vainement le capitaine, suivi de tout son personnel, leur ordonna, puis les supplia de quitter cet endroit : ils ne voulurent rien entendre.