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LES AVENTURIERS DE LA MER


Poursuivons les révélations sur les généreux sauveteurs réduits à leurs propres forces.

Les annales du sauvetage ont conservé le nom d’un « brave homme » — tout le monde l’appelait ainsi — dont la vie entière fut mise au service de l’humanité : le pilote Jean Bouzard, de Dieppe. Il ne livrait de combat qu’aux éléments irrités ; il n’avait souci que d’arracher des naufragés à la mort. Le plus souvent il sauvait, corps et biens, équipages et navires. À la tête de compagnons valeureux, il se portait sans cesse sur le lieu de tout désastre maritime. « Amis, alliés, étrangers, ennemis, c’était tout un pour Jean Bouzard, » comme l’a si bien dit la Landelle, toujours prêt à glorifier les hommes de mer.

Une fois, le sauveteur fit plus ou mieux que de coutume, ou du moins une de ces belles actions fit plus de bruit que les précédentes. Tout le monde s’occupa de Jean Bouzard, et le Journal de Paris de 1778 lui consacra un grand article. Nous en détachons quelques alinéas :

« Pendant la nuit orageuse du 31 août 1777, vers les neuf heures du soir, un navire sorti du port de la Rochelle, chargé de sel, monté de huit hommes et de deux passagers, approcha des jetées de Dieppe. Le vent était impétueux, la mer si agitée qu’un pilote côtier essaya en vain quatre fois de sortir pour diriger son entrée dans le port. Jean Bouzard, l’un des autres pilotes, s’apercevant que le navire faisait une fausse manœuvre qui le mettait en danger, tenta de le guider avec le porte-voix et des signaux ; mais l’obscurité, le sifflement des vents, le fracas des vagues et la grande agitation de la mer empêchèrent le capitaine de voir et d’entendre : bientôt le vaisseau, ne pouvant plus être gouverné, fut jeté sur le galet et échoua à trente toises de la jetée.

« Aux cris des malheureux qui allaient périr, Bouzard, sans s’arrêter aux représentations qu’on lui faisait et à l’impossibilité apparente du succès, résolut d’aller à leur secours. D’abord il fait éloigner sa femme et ses enfants qui voulaient le retenir ; ensuite il se ceint le corps avec une corde dont le bout était attaché à la jetée, et se précipite au milieu des flots. Les marins seuls peuvent se former une idée du danger auquel il s’exposait.

« Après des efforts incroyables, Bouzard atteignait cependant la carcasse du navire, que la fureur de la mer mettait en pièces, lorsqu’une vague l’en arrache et le rejette sur le rivage ; il fut ainsi plusieurs fois repoussé par les flots et roulé violemment sur le galet. Son ardeur violente ne se ralentit point ; il se replonge à la mer ; une vague violente l’en-