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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/179

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LES AVENTURIERS DE LA MER


et les autres descendants du sauveteur portaient avec respect le buste de celui qui a donné à leur famille une si noble illustration.

Donnons la parole à M. de la Landelle, qui a raconté avec émotion dans son Tableau de la Mer un sauvetage accompli dans les conditions les plus difficiles et qui coûta la vie à trois hommes de bien.

« À Dunkerque, en 1857, au milieu de la froide nuit de Noël, la cloche d’alarme se fait entendre. Elle sonne le réveillon du dévouement ; elle sonne votre fête à vous, les sauveteurs chrétiens, car cette nuit est l’anniversaire de la naissance du Sauveur des hommes ; elle sonne l’heure du sacrifice. Un navire fait naufrage ; à l’œuvre ! venez sauver son équipage ou périr.

« Jeunes et vieux se précipitent sur l’estacade ébranlée par les assauts de la mer. À leur tête se trouve un vieillard de soixante-dix-huit ans, M. Benjamin Morel, président de la Société humaine de Dunkerque. Une inflexible énergie morale supplée en lui à la force physique. Pendant quatre heures vous le verrez, à l’extrémité de la jetée, diriger les sauveteurs ; il s’y fait attacher, non comme Joseph Vernet, par l’amour de l’art, mais par amour de l’humanité. Les lames, qui brisent à ses pieds, l’enveloppent coup sur coup ; ses amis le supplient de ne pas s’exposer plus longtemps aux violences de la tempête ; il refuse de quitter son poste et y demeure jusqu’à ce que défaillant, épuisé, il se sente dans l’impossibilité de rendre d’utiles services.

« Tout d’abord il a dû interposer son autorité vénérée, car les pilotes se disputaient l’honneur de porter secours au bâtiment en perdition.

« Les plus anciens réclament cet honneur comme un droit.

« L’un d’eux est Mathieu Bommelaer, né à Dunkerque le 14 juillet 1791, aspirant pilote en 1813, pilote en 1822, élevé à la dignité de chef en mer le 1er août 1830, décoré de la grande médaille d’or en 1834, de la croix d’honneur en 1837.

« Le second, son digne compatriote, s’appelle Gaspard Neuts. D’un an moins âgé, il a comme lui conquis les médailles, et la croix par d’innombrables actes d’héroïsme.

« Les deux vétérans descendent dans la barque ; l’aspirant pilote Charles-Louis Celle les accompagne ; ils débordent, ils ont poussé au large ; on suit avec anxiété leurs évolutions périlleuses. Tout à coup un cri de douleur part de toutes les poitrines. Capelés par la mer, ils ont coulé ; leur barque chavirée roule en dérive.

« Par droit d’ancienneté, les trois pilotes suivants s’élancent aussitôt