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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/191

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LES AVENTURIERS DE LA MER


de bris ». Un comte de Léon se vantait de posséder dans son écueil une pierre plus précieuse que celles qu’on admire aux couronnes des rois. Les gens du Léonais, nous venons de le voir, le secondaient sans répugnance, et l’on peut croire que s’ils comptaient quelquefois avec leur seigneur, plus d’une nuit sombre et secouée par l’ouragan fut utilisée pour leurs petits profits particuliers.

Brigandage à part, au Moyen-Âge les épaves maritimes appartenaient au seigneur haut justicier si elles n’étaient pas réclamées dans les délais fixés par les diverses coutumes.

Ces épaves comprenaient tous les objets, tous les vivres et les effets que la mer amène et jette au rivage, et dont aucun légitime propriétaire ne se fait connaître. Aux termes de l’ordonnance de la marine de 1681, les vaisseaux et effets échoués ou trouvés sur le bord de la mer, quand ils n’étaient pas réclamés dans le délai d’un an et un jour, devaient être partagés également entre le roi et l’amiral — les frais de sauvetage et de justice préalablement pris sur le tout.

Quant aux épaves trouvées en pleine mer, ou tirées du fond de la mer, le tiers devait en être délivré immédiatement à ceux qui les avaient recueillies ; les deux autres tiers devaient être gardés pour être rendus à ceux ayant le droit de les réclamer avant l’expiration d’un an et un jour. À défaut de réclamation, elles étaient partagées entre le roi et l’amiral.

Comme « droit », le droit d’épave disparut avec tous les autres droits seigneuriaux, quand la révolution de 1789 emporta les derniers vestiges du régime féodal.

Comme coutume déloyale, sur la côte bretonne, un des derniers faits avérés de pillage, avec circonstances aggravantes, peut être marqué à la date de 1825. Il s’agit de la Minerva qui périt non loin d’Audierne. En 1835, sur la pointe du Raz de Sein se perdit, corps et biens, le brick anglais le Violet, chargé de vins d’Espagne. Les douaniers et les gendarmes se mirent en mouvement, mais pas assez vite pour sauver la cargaison : déjà les gens de la côte étaient à l’œuvre et, sous l’influence des libations, ils prirent une attitude menaçante, faisant rouler des quartiers de roche sur ceux qui venaient les troubler dans leurs fructueux agissements. « Il y avait parmi ces paysans, raconte La Landelle — qui se complaît dans ce petit coin de cadre, où part est faite à la gaieté — il y avait un vieux matelot qui, peut-être, aurait fait merveille pour secourir des naufragés, mais qui, ne voyant à la côte que des barriques