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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/202

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LES AVENTURIERS DE LA MER


pompes devaient vider l’eau de la mer restée dans la rainure pour qu’on pût reprendre le travail.

C’est à l’île de Bréhat que l’on réunissait les matériaux et qu’on taillait les pierres ; le granit très dur dont on se servait par blocs de mille à trois mille kilos, provenait de l’île Grande, située à quarante kilomètres de là ; la chaux était apportée du bassin de la Loire par le canal d’Île-et-Rance.

Ce phare n’a d’égal en aucun lieu du monde. Il se compose d’une tour en maçonnerie pleine, enchâssée dans la roche de porphyre sur laquelle il repose. La tour a près de quatorze mètres à sa base et huit mètres soixante centimètres à son sommet. Le pied est à un mètre au-dessus du niveau des plus hautes mers. Cette tour supporte une autre tour plus légère, dont l’intérieur est divisé en plusieurs étages ; et ainsi la lanterne se trouve à une hauteur de cinquante mètres.

Sur la côte de Bretagne, près de l’île de Sein, la mer bouillonne sur des récifs, véritable chaîne d’écueils que l’on nomme la Chaussée ou le Pont de Sein ; elle s’avance à peu près de deux lieues dans l’Océan. On a entrepris d’édifier un phare à son extrémité, sur la roche d’Ar-Men, qui mesure de sept à huit mètres de large sur quinze de long, au niveau des plus basses mers. Elle est tellement balayée par le ressac que, même par un beau temps, on ne peut l’accoster sans difficulté. Pour arriver à y asseoir la maçonnerie, il a fallu sceller dans la pierre une série de barres de fer s’élevant verticalement d’un mètre environ.

Les vaillants pêcheurs de l’île de Sein commencèrent ce travail. Les jours où il était possible de poursuivre cette singulière besogne, une vingtaine d’entre eux se mettaient à l’œuvre, les uns armés du pic ou de la pioche, les autres pour veiller à la sûreté des travailleurs, pour les repêcher lorsque les vagues les enlevaient et les traînaient sur les pointes des rochers. Ces ouvriers courageux étaient tous munis de ceintures de sauvetage, et malgré cela ils se trouvaient souvent en danger de périr. Une pareille œuvre accomplie dans de telles conditions devait demander bien du temps ; qu’on en juge par ce détail, qu’en 1867 on n’eut en tout que neuf heures de travail.

Le phare d’Ar-Men se compose de huit étages, ayant ensemble trente mètres de hauteur et portant un feu du premier ordre. La construction hardie de ce phare fut arrêtée dans ses dispositions générales par M. Léonce Reynaud, directeur du service des phares, et exécutée sous la direction de MM. Planchat et Fénoux, ingénieurs en chef.