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LES AVENTURIERS DE LA MER


que le lieutenant Christian allait s’emparer du navire et mettre le capitaine à terre. En entendant cela, Adams se rendit sur le pont où déjà régnait une confusion de mauvais augure. Hésitant à prendre part à ce qui se tramait, il retourna à son hamac ; mais un moment après, il aperçut le lieutenant près du coffre aux armes, faisant une distribution à tous ceux qui en voulaient, et appréhendant de se trouver du parti le plus faible, il passa du côté des rebelles, et demanda un sabre d’abordage.

Voici comment les rebelles parvinrent à se procurer des armes.

Le maître d’armes, suivi de plusieurs matelots, se rendit chez l’armurier et, sous prétexte qu’il avait besoin d’un mousquet pour tuer un requin, il se fit remettre la clef du coffre aux armes. Devant ce coffre dormait l’aspirant de marine — midshipman — Hallet ; les conjurés le réveillèrent et l’entraînèrent sur le pont. Au même moment, l’aide charpentier, Charles Norman, qui ne savait rien du complot, éveilla l’autre midshipman, M. Hayward, et dirigea son attention vers le prétendu requin qui nageait le long du sloop. Christian parut presque aussitôt sur le pont, suivi de plusieurs matelots armés jusqu’aux dents.

Tous les hommes que Christian avait ralliés se trouvant prêts à agir, le lieutenant assigna à chacun d’eux son rôle. Lui-même, aidé du capitaine d’armes, saisit le commandant Bligh, qui eut les mains liées derrière le dos, fut attaché près de l’habitacle, tandis qu’il leur adressait des reproches sur leur conduite ; ils lui répondirent en l’insultant, et même en lui appliquant un coup de plat de sabre. Et comme Bligh accusait Christian d’ingratitude, en lui reprochant selon son habitude les services qu’il lui avait rendus, et rappelant qu’il avait une femme et des enfants, Christian lui répliqua sèchement qu’il eût dû s’en souvenir plus tôt et régler là-dessus sa conduite.

D’autre part, Adams et plusieurs rebelles s’étaient emparés des autres officiers. On leur rendit la liberté dès qu’on fut maître du capitaine. La révolte était consommée.

Alors les rebelles se montrèrent divisés sur ce qui restait à faire. Il avait été convenu qu’on abandonnerait les vaincus à la merci des flots ; mais les uns voulaient qu’on leur donnât un mauvais canot, incapable de tenir la mer plus de quelques heures, d’autres penchaient pour la chaloupe. Ce dernier avis ayant réuni le plus d’assentiment, la chaloupe allait être mise à la mer, lorsque Isaac Martin, qui craignait que cette embarcation ne donnât aux officiers le moyen de regagner l’Angleterre, et par suite de les dénoncer et de lancer un navire à leur