Aller au contenu

Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/222

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
219
LES AVENTURIERS DE LA MER


de paisibles colons, — non sans qu’il y eût du sang versé, — s’alliant aux sauvages polynésiens, se créant de nouvelles familles et une seconde patrie. Voici maintenant une véritable cause célèbre, le procès des rebelles du Fœderis-Arca, qui se termina par la condamnation à mort de quatre hommes de l’équipage pour crime de piraterie. La loi du 10 avril 1825 dispose que tout individu faisant partie de l’équipage d’un navire français qui, par fraude ou violence envers le capitaine ou commandant, s’emparerait dudit bâtiment, doit être poursuivi et jugé comme pirate. C’était le procès. Quant aux faits, nous en donnerons l’historique d’après M. de la Landelle :

Le Fœderis-Arca, chargé de houille à destination de la Vera-Cruz, au Mexique, avait en complément de cargaison des spiritueux tels qu’absinthe et vermout qui, dès l’instant de l’arrimage, tentèrent les gens du bord. Ces hommes qui, pour la plupart, se seraient fait scrupule de tout autre genre de larcin, n’eurent plus d’autre pensée que de dérober les liqueurs qui les tentaient. Ils y parvinrent si facilement qu’en peu de jours ils tombèrent dans un monstrueux état d’abrutissement qui porta les uns au crime et qui priva les autres de la force nécessaire pour s’opposer à leur fureur.

Il était fort difficile, pour ne point dire impossible, d’empêcher les matelots de pénétrer dans la cale. Loin d’aider le second, M. Aubert, qui redoublait de surveillance, Lénard, chargé des fonctions de maître, faisait comme les autres. Le cuisinier Nutler favorisait les larcins. Pour prévenir de semblables délits, l’on ne dispose point sur un bâtiment marchand, monté par une quinzaine d’hommes, des moyens qu’on peut employer sur les navires de guerre.

Le second du capitaine, sans cesse obligé de sévir, était devenu l’objet d’une haine brutale. On lui en voulait mortellement d’être, par sa vigilance, un obstacle continuel.

Parti de Cette le 8 juin 1864, le trois-mâts, après un mois de navigation, se trouvait dans les eaux des îles du cap Vert, quand, un soir, un vacarme extraordinaire se fit entendre sur le gaillard d’avant où l’équipage était rassemblé, à l’exception du novice nantais Julien Chicot, qui se trouvait à la barre du gouvernail.

— Ils se seront encore soûlés et les voici qui se battent, pensa le second en accourant pour rétablir le bon ordre.

Aussitôt on l’entoure, les plus méchants se jettent sur lui et le criblent