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LES AVENTURIERS DE LA MER


Des ordres furent immédiatement donnés pour faire arrêter tous les gens qui montaient le navire. Le Corse Carbuccia fut trouvé à Marseille, l’astucieux Lénard à Anvers, le hideux Thépaut au Havre ; Hoëlic, Marnier, Tessier, Leclerc, furent successivement pris aux divers coins du monde.

Daoulas, embarqué à Montévidéo par les soins du consul de France, à bord d’un trois-mâts français en partance pour le Havre, y fut mis aux fers sous une tente qui lui servait de prison. Dans la Manche, deux jours avant l’arrivée du navire, il trouva le moyen de s’enfuir, en se glissant à la mer avec une cage à poules.

Le capitaine de ce navire, traduit devant la cour de Rouen en suite de cette évasion, prouva clairement qu’il ne l’avait point favorisée, et fut acquitté. Daoulas avait-il ou n’avait-il pas à bord des compères ayant commis la mauvaise action de le soustraire aux poursuites ? Périt-il en mer ? Trouva-t-il un asile ? — En mars 1867, le bruit courut qu’il avait été arrêté à Trêves, dans la Prusse Rhénane ; des soldats prussiens l’avaient escorté la baïonnette aux reins, jusque dans les prisons de Metz, et de Metz, toujours sous bonne escorte, on l’avait expédié à Brest. Mais à Brest on ne tarda point à reconnaître qu’il y avait erreur de personne, et qu’un infortuné déserteur du 78e de ligne avait eu la mauvaise fortune d’être pris pour Daoulas.

Une ordonnance de non-lieu mit hors de cause le passager Orsini, témoin précieux dont la disparition donna lieu à un conte qui circula durant quelques jours. On disait qu’il avait été trouvé déguisé en Indien à Matchouala, au Mexique, et mis en état d’arrestation par un capitaine français, commandant la place.

Au mois de décembre 1865, les accusés étaient détenus à Nantes. Lénard s’occupait à gréer un petit modèle de navire dont le pavillon portait l’inscription : « Souvenir de l’équipage du Fœderis-Arca. » — Odieux souvenir ! Hoëlic et Thépaut ne témoignaient aucune inquiétude. Ce dernier refusant de se laisser photographier, dit rudement :

— Vous aurez ma tête, mais vous n’aurez pas mon portrait. C’est bien assez que nos noms paraissent dans les journaux.

Il était évident que le crime était bien celui de piraterie, tel que le définit la loi. La question de compétence fut néanmoins soulevée. Elle entraîna d’interminables longueurs, si bien que le procès ne fut appelé qu’en juin 1866, par-devant le tribunal maritime de Brest.

Sur ces entrefaites, Marnier était mort en prison. Ses camarades le