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LES AVENTURIERS DE LA MER


y passaient des journées entières, attentifs à découvrir quelque navire, messager de leur délivrance. Cet insurmontable sentiment de tristesse qui s’empare de l’homme éloigné de la société de ses semblables, troublait une vie qui, avec les ressources que leur offrait la richesse du sol, sous un beau climat, jointes aux épaves qu’ils étaient parvenus à arracher à la mer, aurait sans doute pu être supportable.

Ils possédaient un superbe troupeau de porcs, provenant de quelques animaux de cette espèce sauvés du naufrage. Ainsi nulle inquiétude pour la subsistance… Ces porcs erraient en liberté ; mais au coup de sifflet qui leur était connu, ils accouraient au gite, de toutes les parties de l’île. Petersen « avait même apprivoisé un petit cochon, absolument comme un épagneul de boudoir ; il couchait dans la maisonnette et dansait. »

Voici comment les Robinsons de l’île Pell furent découverts par le capitaine Lütke.

Cette île du groupe de Bonin surgit de la mer en une masse montagneuse, couverte d’une riche végétation. Près de la mer, une bordure de rochers âpres et nus s’élève de trois cents pieds au-dessus de l’eau ; en plusieurs endroits s’ouvrent des plages sablonneuses, dominées presque abruptement, à la hauteur de sept ou huit cents pieds, par ces montagnes boisées jusqu’à leurs sommets, qui donnent à l’île un caractère très pittoresque. Aux environs de l’île, et plus nombreux à la pointe méridionale, des îlots s’éparpillaient. Sur un de ces rochers, l’officier russe vit de la fumée, puis des hommes tirant des coups de fusil, et faisant des signaux avec un pavillon anglais. Quoique la nuit fût proche, il voulut tout de suite envoyer une embarcation à terre. Le canot revint le lendemain matin, ramenant le bosseman Wittrien et le matelot Petersen.

Depuis le naufrage du Williams, l’île Pell avait été visitée par la corvette la Blossom, commandée par le capitaine Beechey. Cet officier de la marine britannique avait remis au bosseman une carte de reconnaissance des îles du groupe, destinée aux navigateurs qui auraient occasion d’en faire l’exploration. Sur cette carte, le havre au fond duquel les marins du Williams avaient trouvé un refuge, s’appelait Port Lloyd.

Wittrien et Petersen avaient refusé de profiter du passage du Blossom pour quitter l’île Pell : ils attendaient avec confiance le retour du capitaine du Timor. Mais déçus dans leur attente, ils prièrent le capitaine