Aller au contenu

Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/248

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
245
LES AVENTURIERS DE LA MER

Un Robinson vrai, c’est ce jeune Français, Narcisse Pelletier, adopté tout enfant par des naturels de l’Australie.

Le 11 avril 1875, des matelots du steamer anglais John Bell, débarqués pour y chercher de l’eau fraîche au cap Flattery, situé au nord-ouest de l’Australie, aperçurent, dans les bois, un homme blanc, au milieu d’un groupe d’indigènes à la peau brune. Ils rapportèrent cette circonstance à leur capitaine, qui les renvoya à terre avec ordre de se saisir de cet étranger en employant présents et menaces. Le blanc ne se souciait guère de quitter ses compagnons, mais il n’osa pas résister aux Anglais.

On le conduisit à Somerset, où il fut bien traité, vêtu, soigné, et enfin il s’apprivoisa assez pour qu’on reconnût qu’il était Français et qu’il avait su lire et écrire.

Ce faux Australien se nommait Narcisse Pelletier ; il était né à Saint-Gilles, dans la Vendée. Mais il avait pris les habitudes et même l’extérieur des Australiens au milieu desquels il avait passé dix-sept années. Pendant les premiers temps de son séjour à Somerset, il se montra taciturne, inquiet ; il se perchait, comme un oiseau, sur une barrière d’où il observait ceux qui l’entouraient.

C’était un homme jeune encore, de petite taille, mais fortement constitué, à la peau d’un rose rougeâtre et bronzée par le soleil. Il portait quelques tatouages sur la poitrine : deux lignes parallèles et horizontales, s’étendant d’un sein à l’autre. Au-dessus de chaque sein apparaissaient encore quatre marques superposées horizontalement, et sur l’avant-bras droit, un dessin en forme de gril. Le lobe de l’oreille droite, percé et allongé de deux pouces, était garni d’une rondelle de bois de la grandeur d’une pièce de cinq francs. Il avait aussi le nez percé, et orné d’un morceau d’écaille d’huître perlière.

La mémoire revint peu à peu à ce malheureux, et il parvint à retrouver assez de mots de sa langue pour raconter son histoire. À douze ans, il s’était embarqué comme mousse à bord du Saint-Paul, de Bordeaux.

Ce navire, qui transportait en Australie trois cent dix-sept coolies chinois, fit naufrage, en 1858, à l’île Rossel, dans l’archipel de la Louisiade. Le capitaine du Saint-Paul laissa les Chinois sur un îlot, et tenta de gagner l’Australie pour y chercher du secours.

Nous aurons occasion de raconter les souffrances des hommes qui l’accompagnaient ; l’eau surtout leur manquait. Longeant de près le continent, ils hésitaient à y aborder, dans la crainte des naturels. Cepen-