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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/249

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LES AVENTURIERS DE LA MER


dant, un jour qu’ils s’étaient hasardés à descendre sur ce rivage inhospitalier, à la recherche d’eau douce, le pauvre mousse souffrant d’une blessure à la tête se traînait péniblement à leur suite. Enfin il rejoignit ses compagnons qui, ayant découvert un peu d’eau dans un trou, s’étaient arrêtés pour la boire : ils l’épuisèrent jusqu’à la dernière goutte sans que le pauvre mousse pût en approcher ses lèvres.

— Reste ici, lui dirent-ils ; l’eau suintera, et tu pourras boire tant que tu voudras ; nous allons à la recherche de quelques fruits et nous viendrons te reprendre.

Il les crut ; mais l’eau ne parut point et les marins ne revinrent pas.

Le petit Narcisse demeura là trois jours, et il avait presque perdu connaissance, quand deux hommes noirs et trois femmes le trouvèrent. Les sauvages lui donnèrent à manger des noix de coco jetées par la mer sur le rivage et d’autres fruits ; puis ils l’emmenèrent dans leur tribu qui l’adopta et où il demeura pendant tant d’années !

Narcisse Pelletier avait rencontré un véritable père adoptif : un Australien compatissant, nommé Naademan, se chargea plus particulièrement de lui et lui imposa le nom d’Amglo. Le mousse vendéen fut assez longtemps avant de s’accoutumer à la nourriture des sauvages de la tribu des Ohantaala, misérables comme le sont les indigènes du continent austral, qui n’ont pas même de huttes. Une trentaine de familles composaient la tribu.

Narcisse, comme un nouveau Robinson, retourna à l’état de nature, mais sa jeunesse ne permettait pas une grande résistance aux influences environnantes ; il devint sauvage comme ceux qui l’entouraient, mena une existence toute bestiale, prit part aux démêlés de la tribu avec des tribus voisines, et plus d’une fois figura sur des champs de bataille où quelques douzaines de combattants se piquaient de leurs flèches tandis qu’à deux pas les femmes des belligérants se prenaient aux cheveux. Malgré tout, Narcisse pensait souvent à sa famille qu’il désespérait de revoir.

La tribu à laquelle appartenait le petit mousse, établie au bord de la mer, vivait principalement de pêche. Plusieurs fois, des marins de diverses nationalités abordèrent, offrant des présents. Mais dans ces occasions les sauvages tenaient éloigné le jeune blanc. Leur défiance disparut peu à peu, et lorsque le canot du John Bell se montra, les craintes de chacun furent d’autant moins vives que la plupart des