Aller au contenu

Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/254

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
LES AVENTURIERS DE LA MER


poudre, servirent pour les vêtements. Enfin ils parvinrent à construire une maisonnette en pierre assez solide : elle se voyait encore à New-Island à l’époque où le commandant Duperrey visita les îles Malouines.

Le capitaine Barnard était de tous celui qui souffrait le plus. Il n’usait de son autorité fort amoindrie que pour donner à ses compagnons des conseils utiles ; et ces conseils étaient mal reçus. Ils en vinrent à comploter de l’abandonner à son tour.

Un soir, les quatre matelots, qui, sous un prétexte frivole, avaient chassé dans un autre endroit que leur capitaine, ne revinrent point. Le lendemain, au point du jour, le capitaine Barnard, saisi d’un fâcheux pressentiment, se dirigea vers le lieu où le canot devait être amarré : il n’y était plus : les insensés l’avaient enlevé pour tenter de se sauver. Le pauvre capitaine demeurait seul, bien accablé, bien découragé : il ne lui restait plus que son chien. Malgré toutes les humiliations dont ces hommes grossiers l’avaient abreuvé, il déplorait leur éloignement. Enfin, il se mit courageusement au travail. Il continua de se faire de son chien un auxiliaire utile pour la chasse. Souvent il gravissait les parties montagneuses de l’île pour interroger l’horizon ; il demeurait des journées entières au sommet d’un mur de rochers qui s’élève à plus de cinquante pieds au-dessus des flots et contre lequel viennent se briser d’énormes vagues qui entourent sa base d’écume et d’embruns.

Plusieurs mois s’étaient écoulés depuis la fuite de ses compagnons, lorsqu’un jour, assis devant la porte de la maisonnette, il vit des hommes se diriger vers lui : c’étaient les transfuges qui, incapables de pourvoir par eux-mêmes à leur subsistance, venaient implorer leur capitaine et lui demander son assistance. Ils furent pardonnés.

Et cependant, leur animosité reparut ; un de ces marins de grossière trempe alla même jusqu’à songer à se débarrasser de lui en le tuant. Heureusement cet horrible dessein fut dévoilé par les autres. Le coupable fut jeté sur un îlot, où il se trouva réduit à l’impuissance. Mais le capitaine Barnard, toujours généreux, pourvut aux besoins de son existence. Puis au bout de trois semaines il lui pardonna et lui permit de venir de nouveau s’asseoir au foyer commun.

À partir de ce moment la bonne harmonie ne fut plus troublée.

New-Island garda deux ans ses hôtes. Un jour, une voile apparut à l’horizon : c’était la fin de leur captivité. Un hasard heureux voulut que Barnard, trahi et sacrifié par des Anglais, dût son salut à des marins de la même nation.