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LES AVENTURIERS DE LA MER


Le 5 octobre, les naufragés halaient leur chaloupe sur la grève d’un îlot où ils s’étaient réfugiés, près du cap Grenville. Au réveil, plus de chaloupe ! Des naturels surviennent, les font prisonniers, les dépouillent de leurs vêtements. On les garda à vue, mais on leur donna quelque nourriture. Un des marins qui tenta de s’évader, mourut des coups qu’il reçut. Cette captivité ne fut pas, fort heureusement, de longue durée.

Il y avait six jours qu’ils étaient prisonniers d’une tribu australienne, lorsque se montra une goélette anglaise. Nos malheureux compatriotes firent des signaux qui furent aperçus. Le capitaine Mac Ferlane traita de leur rachat avec les sauvages. La goélette Prince of Danemark ramena le capitaine Pinard et ses matelots à la Nouvelle-Calédonie. Mais le voyage ne se fit pas directement. On employa bien des jours à recueillir de l’écaille de tortue, dans les îlots voisins du cap Grenville, et le navire anglais n’arriva à Port-de-France que le 25 décembre.

Qu’étaient devenus depuis cent jours les malheureux Chinois abandonnés sur le rocher de corail de l’île Rossel ?

Un aviso à vapeur fut expédié le surlendemain au secours des survivants — s’il en existait encore. Le capitaine Pinard était à bord de ce navire. Quand on atteignit l’île Rossel, le 5 janvier, le Saint-Paul laissait apercevoir sa poupe et son beaupré sur le récif où il s’était échoué.…

Dans l’îlot, pas un être vivant…

Un officier y descendit et trouva une tente en lambeaux, encore fixée sur deux arbres, des troncs d’arbres sciés à un mètre du sol et creusés comme pour servir de réservoir, deux cadavres ensevelis sous une couche de cailloux, des morceaux de toile épars sur le sol, avec une grande quantité de débris de coquillages ayant servi comme nourriture.

Il fallut remettre au lendemain de nouvelles recherches. On aperçut enfin deux pirogues conduites par quelques naturels. Ceux-ci, au lieu de répondre aux signaux amicaux qui leur furent adressés, prirent la fuite, abandonnant même leurs pirogues pour se dérober plus vite. « Nous continuâmes notre route, dit M. V. de Rochas à qui nous devons le récit de cette aventure de mer, et bientôt nous aperçûmes un petit homme nu, dans l’eau jusqu’à la ceinture, et qui nous faisait des signes de ralliement, sans proférer une parole, sans pousser un cri. Cette conduite si réservée nous donna tout d’abord à penser que c’était un fuyard qui n’osait pas crier, et par conséquent un des naufragés.