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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/294

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LES AVENTURIERS DE LA MER

Ces icebergs encombrent certains parages ; les plus gros, formés de deux ou trois montagnes assises l’une sur l’autre, profondément entrées dans la mer, sont ramenés par un courant sous-marin qui les porte au nord, tandis que les autres, entraînés par le courant de surface, s’avancent à leur rencontre. Ainsi les uns rebroussent chemin, les autres errent, ils s’entre-croisent, ils se heurtent fréquemment. Malheur au bâtiment surpris par leur choc !

« Dans ces mers, nous dit Scoresby, on ne peut prévoir, encore moins éviter l’arrivée des glaçons qui vous broient d’un seul coup. » Dans le cours d’un été, plus de trente navires périrent à l’extrémité nord de la baie de Baffin. Le capitaine baleinier en vit un écrasé entre deux murs de glace, qui en se rapprochant le firent disparaître dans leur embrassement : la pointe du grand mât resta seule plantée, comme un signal funèbre, au-dessus de ce tombeau flottant. Un autre navire, comme un cheval cabré, se dressa sur sa poupe. Deux beaux trois-mâts furent, sous ses yeux, « percés de part en part par des glaçons aigus de cent pieds de longueur ». Depuis Scoresby, on a compté plus de deux cents navires baleiniers perdus dans le parcours de la baie de Melville, — il est vrai que les icebergs abondent là plus que partout ailleurs peut-être.

Est-il possible de se prémunir contre ces dangers en n’affrontant les mers polaires qu’avec de gros et puissants navires ? Il paraît que non. Les plus gros navires ne sont pas les plus résistants. Les explorateurs s’accordent à penser que les conditions nautiques les plus favorables de cette navigation sont au contraire plus sûrement remplies par de légers navires. Le yacht le Fox, armé par lady Franklin pour aller à la recherche de son mari, jaugeait à peine cent cinquante tonneaux. Avec de grands navires et de forts équipages, il est plus dangereux de se laisser prendre par la banquise et de se frayer ensuite un chemin au milieu d’un dédale flottant de montagnes de glaces.

Cette navigation au milieu des glaces donne lieu à des aventures étranges, pleines d’imprévu, déconcertant toute la science du marin et soumettant son courage aux plus rudes épreuves. Malheureusement, elles sont souvent marquées par des catastrophes retentissantes.

Le voyage d’exploration, commencé sur un navire à voiles ou à vapeur, se poursuit parfois en traîneaux attelés de chiens ; les marins, forcés d’abandonner le bâtiment qui les a amenés dans ces hautes latitudes, doivent accomplir de longues et pénibles étapes, à pied, en traî-