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LES AVENTURIERS DE LA MER

Le lieutenant Krusenstern décida d’abandonner la goélette et de tâcher de gagner la côte en s’aidant de la chaloupe. On mit dans cette embarcation deux cent cinquante kilos de biscuit, quelques jambons, une dizaine de litres de rhum, une caisse renfermant les instruments, les livres et les cartes nécessaires pour la route. Chaque homme s’étant fait un sac de toile à voile, y rangea une chemise et trente-cinq livres de biscuit. Une grande pelisse samoyède et une pique, utiles pour franchir les crevasses, complétaient l’équipement. On était au 9 septembre.

C’est alors que commença ce voyage aventureux des explorateurs.

On se mit en route à sept heures du matin ; le lieutenant Krusentern marchait en tête ; après lui, sous la direction de son second, M. Maticen, seize hommes traînaient la chaloupe ; ensuite venaient le docteur et le maître commis avec un petit traîneau chargé de bois et de provisions ; enfin deux jeunes volontaires conduisaient un autre traîneau auquel ils avaient attelé les chiens de M. Maticen.

Il fut bientôt évident que l’on ne pouvait conserver ces dispositions. Il fallait à tout moment traverser des crevasses ou gravir des escarpements ; plusieurs hommes étaient tombés à l’eau, les traîneaux se brisaient, la chaloupe était à moitié démolie après trois heures de marche ; Krusenstern résolut d’abandonner traîneau et chaloupe.

Chaque homme reçut un supplément de charge. Avant de quitter la chaloupe et les vivres, on fit un repas copieux, et le commandant permit à chacun des hommes de boire un verre de rhum. L’un d’eux, le forgeron Sitnikoff, en but plusieurs et demeura en arrière sur la glace, tandis que la troupe tout entière commençait à traîner le pas et à perdre courage, s’éparpillant sur plusieurs kilomètres. Le 10, l’équipage eut la joie de voir arriver Sitnikoff : il avait marché toute la nuit en suivant les traces de la petite troupe à la faveur du crépuscule polaire qui dure plusieurs mois.

Mais laissons la parole au lieutenant Krusenstern :

« À six heures et demie, dit-il, nous nous mîmes en route. Il fallait d’abord traverser la crevasse qui nous avait arrêtés la veille ; nous trouvâmes un endroit plus resserré où, à l’aide d’un petit glaçon et de la ligne de sonde, nous pûmes installer un va-et-vient ; le passage dura environ une heure ; le glaçon portait deux hommes à la fois. Nous reprîmes aussitôt après notre route à l’est.