Aller au contenu

Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/297

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
294
LES AVENTURIERS DE LA MER

d’énergie, mais se termina heureusement. Les deux navires — une goélette et un bateau ponté — comptaient ensemble trente hommes d’équipage ; ils étaient approvisionnés pour une campagne de seize mois. On s’en allait à la recherche de l’embouchure du fleuve Yénisséi.

La petite expédition partit le 1er août du village de Kouia sur la Petchora. Le 9, les premières glaces apparurent. Quelques jours après, on pénétrait résolument dans la banquise à travers d’étroits espaces laissés entre eux par les glaçons. Les chocs ne furent pas trop rudes, et au bout d’une heure les deux navires se retrouvèrent dans la mer libre.

Mais ce n’était là que le commencement d’une suite d’étapes semblables, tantôt à travers les banquises, tantôt dans les eaux où les glaces n’empêchaient pas la navigation. Le détroit de Vaigatz fut traversé dans ces conditions. Le 14 août, à sept heures du soir, on aperçut la mer de Kara ; elle parut encombrée de glaçons bien plus larges et plus hauts que ceux que l’on avait vus jusque-là ; et le lieutenant Krusenstern pensa qu’il serait forcé de repasser le détroit.

Les deux navires trouvèrent un mouillage passable sur le cap Kaninn. Le cap s’avançait très au large et devait les protéger. Il n’y avait pas de courant sensible. Une heure plus tard, tout changea : la mer pénétra rapide par le détroit, entraînant avec elle des masses de glaces de toutes formes et de toutes grandeurs ; la pointe de terre qui abritait la goélette et le bateau ponté fut contournée par le courant ; les équipages des deux navires durent entreprendre une lutte héroïque contre les glaçons qui s’abattaient sur eux. Un bloc de glace arrivait sur l’avant, la chaîne raidissait, l’ancre chassait ; les hommes repoussaient l’obstacle formidable avec des anspects, brisaient la glace à coups de haches. À peine délivré d’un assaut, un autre glaçon se présentait, et il fallait recommencer la lutte. Il devenait évident que rester à l’ancre était impossible et qu’il fallait dériver avec les glaces, si on voulait ne pas être écrasé par elles. On se laissa aller…

Bientôt la goélette se trouva emprisonnée ; il fallut l’entourer de pièces de bois pour la défendre. L’Embrio, pris aussi dans les glaces, put se dégager et retournera Kouia. Le Yermac échoua sur la banquise. Le 1er septembre, il y eut une horrible tempête. Comme la goélette pouvait être écrasée par le mouvement des glaces, une tente fut dressée sur la banquise et remplie de diverses provisions ; on débarqua aussi du bois à brûler et du charbon.