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LES AVENTURIERS DE LA MER


bœuf musqué, ils savaient trouver le sommeil. Heureusement ces braves gens ne manquaient pas d’industrie.

On peut dire que c’est grâce à eux que Tyson et ses compagnons plus civilisés durent leur salut. Les phoques saisis sur les glaces fournirent une huile qu’on brûla dans de vieilles boîtes de conserves, un peu de toile à voile servant de mèche. On eut ainsi de la lumière et de la chaleur : deux choses d’une extrême importance. Les autres approvisionnements ne faisaient pas tous défaut. « La poudre et les balles ne nous manquent pas, grâce à Dieu, a écrit Tyson. Nous avons onze sacs et demi de pain, quatorze caisses de pemmican[1], pesant chacune vingt-quatre kilogrammes, dix douzaines de caisses de viande et de bouillon, pesant chacune soit cinq cents grammes, soit un kilogramme, quatorze petits jambons, une caisse de dix kilos de pommes tapées et environ dix kilos de mélange de sucre et de chocolat ».

Avec cela les rations étaient fort maigres, car Tyson avait calculé que tous étaient condamnés à mourir de faim s’ils restaient en place pendant six mois. Ce n’est qu’à la fin d’avril ou au commencement de mai qu’ils pouvaient espérer que leur glaçon les porterait dans les régions où les baleiniers font leur campagne annuelle. Il fallait donc de l’ordre, et l’on conçoit ce cri de désespoir du malheureux Tyson lorsqu’il écrit, à la date du 23 octobre : « Je viens de faire une découverte terrible ; on n’a fait que deux distributions de chocolat et il n’y en a plus. Quelqu’un a mis la main sur la boîte. Comment faire ? On ne peut placer de sentinelles par un froid pareil. Puis, qui donc gardera ces gardes ? » Ces angoisses sont de tous les moments : l’huile va manquer ; on sera dans les ténèbres ; il faudra se nourrir de viande gelée ; puis c’est la glace d’eau douce qui ferait défaut, si Joë n’apprenait à ses compagnons d’infortune à en trouver dans les flaques où la pluie s’est accumulée à la surface de la banquise ; les hommes sont mécontents de voir la ration quotidienne réduite à onze onces. Les forces de tous s’affaiblissent ; la chasse ne rapporte rien et la prise d’un phoque devient tout un événement. Les petits Esquimaux crient parce qu’ils ont faim.

Des incidents caractéristiques se produisent : Hans tue deux chiens de l’expédition, on les mange dans son entourage. Peu après, il faut en fusiller cinq parce qu’ils se mouraient d’inanition ; on n’en garde que

  1. Le pemmican est formé de viande séchée, coupée en petits morceaux ou broyée, mélangée avec un poids égal de graisse.