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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/304

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LES AVENTURIERS DE LA MER


quatre… Il se commet des vols de pain. Les hommes donnent des marques fréquentes d’indiscipline. Le lieutenant Tyson ne peut donner que des conseils ; il n’a aucun moyen de faire respecter son autorité. Et lorsqu’arrive la grande fête nationale américaine, le jour d’actions de grâces — 28 novembre — les Allemands ne s’associent nullement aux sentiments de leur chef.

On atteignit la Noël, et le lieutenant Tyson put noter avec émotion les impressions ressenties par lui dans ces douloureuses circonstances : « La Noël ! Tout le monde chrétien célèbre la naissance, du Sauveur : nous ferons comme les autres. Un peu de joie pénétrera encore une fois dans notre monde de glace, de froid, d’orages, de faim et de ténèbres. Nous sentons bien que Dieu ne nous a pas abandonnés ; nous sommes encore ses enfants, il veille sur nous aussi bien que sur ceux qui habitent les villes et les plus somptueuses résidences des campagnes. » Il avait caché un dernier jambon ; il le donna. Chaque homme en eut un morceau gelé, avec deux biscuits, quelques morceaux de pommes tapées, et pour boisson du sang de phoque.

La nuit de l’hiver polaire aggravait les maux et augmentait l’irritation ; Tyson craignit plus d’une fois une révolte. Enfin le soleil reparaît et diminue le froid et l’accablement des esprits ; mais il amène un nouveau danger. Le glaçon menace de fondre ; le 2 avril, il se brise en morceaux ; heureusement les naufragés possédaient un canot assez grand grâce auquel on put passer d’un glaçon à l’autre.

Le 18 avril, jour de Pâques, le capitaine Tyson s’écrie : « Notre carême a duré plus de quarante jours ! Quelles souffrances ! Que Dieu nous donne notre résurrection ! » Dix jours plus tard, un bateau à vapeur est en vue, le lendemain un autre : celui-ci approche assez pour que les malheureux marins du Polaris essayent d’attirer son attention par des cris et en tirant des coups de fusil. Pour plus de certitude, Hans s’élance dans son kayak et atteint le steamer ; c’était la Tigresse… Le long martyre de Tyson et de ses compagnons allait prendre fin. Le restant de l’équipage du Polaris, après avoir été forcé d’abandonner ce navire, éprouva des fortunes diverses, mais fut sauvé par un baleinier écossais.

Désireux de tenter une nouvelle exploration du pôle nord et de vérifier l’existence de la prétendue mer libre, M. James Gordon Bennett, — ce propriétaire du New-York Herald qui envoya Stanley à la recherche de Livingstone — fit l’acquisition au Havre du cutter la Jeannette,