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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/317

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LES AVENTURIERS DE LA MER


véritablement la nature du crime commis. Il demanda en conséquence que la spécification en fût déférée au tribunal supérieur. La cour du Banc de la Reine eut donc à juger ce point intéressant et tout nouveau. En attendant, les accusés furent mis en liberté.

À force de chercher dans la jurisprudence maritime anglo-américaine, les légistes érudits découvrirent un cas ne manquant pas d’analogie avec l’affaire de la Mignonnette, jugé aux États-Unis au commencement du siècle. Il s’agissait des matelots d’un navire naufragé, qui avaient jeté à la mer des passagers dont leur chaloupe était surchargée au point de sombrer. Ils furent condamnés à six mois de prison pour homicide justifiable.

La cour du Banc de la Reine, siégeant au complet de cinq juges, déclara que la loi était formelle et qu’en tuant le mousse mourant pour boire son sang et manger son corps, les deux accusés avaient commis un meurtre. Aussitôt la condamnation inévitable prononcée par la cour du Banc de la Reine, le secrétaire d’État pour l’intérieur annonça un sursis d’exécution de la peine capitale, formalité destinée à calmer les angoisses des condamnés, pendant les délais de rigueur pour l’action solennelle de l’amnistie royale qui suivit de près le jugement. Une souscription éleva en l’honneur du pauvre petit mousse une pierre tumulaire à côté du tombeau de ses parents. Il y est dit qu’il a péri dans l’Atlantique après vingt jours de souffrances, à la suite du naufrage de la Mignonnette. Détail touchant : son frère demanda et obtint qu’on inscrivît au bas ce passage des Actes des Apôtres : « Seigneur, ne leur impute pas ce péché !… »