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LES AVENTURIERS DE LA MER


repousser au dehors à coups de masse. La lame emportera quelques-uns des matelots qu’on enverra accomplir cette besogne périlleuse. Dans l’entrepont, les caissons qui contiennent les effets de l’équipage, se déclouent et blessent plusieurs marins. Les boulets de la batterie, par l’effroyable inclinaison du navire, sortent des enchâssures où ils étaient placés, et bondissant avec violence, viennent ajouter à la confusion et aux périls.

On a vu la mer, d’une de ses lames, enlever un homme du bord, et par une autre lame le rapporter sain et sauf, — lorsque dans le déchaînement de l’ouragan il eût été impossible de songer à un sauvetage. Cet événement nautique qui tient du miracle, se produisit dans des circonstances bien singulières au milieu de l’ouragan qui causa le naufrage du Courrier de la Vera-Cruz (1838). Le timonier avait de la peine à lutter contre l’indocilité du gouvernail. Le capitaine s’élance à son aide. Au même instant, un coup de vent les prend par le travers et les jette par-dessus bord. L’équipage est consterné. Le bâtiment, privé de son pilote, se couche sur le flanc et semble près de chavirer. Que se passe-t-il en cette minute d’une si poignante anxiété ? Soudain le capitaine et le timonier sont rejetés à bord par le ressac de la lame : le timonier en tombant avait eu la chance de saisir une drisse, à l’aide de laquelle il s’était tenu dans une position parallèle au navire ; le capitaine s’était accroché à sa jambe, et cela les sauvait tous les deux !

« Jusqu’ici, pourtant, le navire est encore intact ; mais dès qu’il est blessé, lui aussi, le combat de l’homme contre la tempête prend un caractère plus sombre. Chaque avarie nouvelle devient un péril général. Les embarcations sont brisées ; une ressource importante est perdue avec elles ; les mâts sont rompus, le gouvernail est enlevé, le manœuvrier se voit réduit à l’impuissance. La voie d’eau se déclare ; il faut pomper, et si la voie va en augmentant, si les bordages, disjoints par trop de secousses violentés, s’ouvrent à la mer, il faut pomper nuit et jour, sous peine de couler par le fond. Les vivres sont gâtés, la famine ajoute ses horreurs aux horreurs de la tempête qui gronde au dedans comme au dehors. On allège en vain la coque ; les ancres, les canons, la cargaison entière, les apparaux les plus nécessaires en d’autres circonstances, ont beau être jetés par-dessus le bord, il arrive un instant où le navire vaincu s’affaisse et sombre. Tout a péri[1] ! »



  1. La Landelle : la Vie navale.