Aller au contenu

Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
LES AVENTURIERS DE LA MER


rien tenter, de rien faire pour aller au secours de personne. J’étais près du capitaine : — Que faire ? lui dis-je.

« Il me répondit d’une voix calme :

— Tâchez de tenir bon encore, car j’espère que le navire résistera jusqu’au jour.

« En même temps, il donna l’ordre d’abattre les mâts, et de remiser sous le vent, pour les protéger, les deux embarcations qui nous restaient encore, et de ne les amener qu’au dernier moment. Elles étaient déjà encombrées de monde. Rien ne pourrait donner l’idée de l’horreur de notre situation. Le navire s’en allait en débris sous nos pieds, il n’y avait aucune espérance de pouvoir conserver les embarcations à flot au milieu d’une mer pareille ; d’ailleurs elles n’auraient pu sauver qu’un très petit nombre d’entre nous ; puis il n’y avait pas de terre en vue : la mort était partout ! Il fallait bien croire qu’il n’y avait plus d’espérance ; quelques-uns priaient à voix haute et imploraient la miséricorde divine. Quelques minutes encore et la destruction du navire fût complète. Le navire se sépara par le milieu, ne laissant plus que la machine et les chaudières immobiles sur les rochers. Une ou deux lames emportèrent l’arrière du navire presque au moment où il se sépara de la machine.

« Au dernier moment, l’ordre fut donné d’amener les canots, mais ils n’avaient ni gréement, ni avirons, et ils disparurent ; il n’est pas douteux qu’ils furent chavirés et brisés par les lames contre le flanc du navire ; tous ceux qui les montaient durent périr. Un instant après tout l’arrière du navire, avec les mâts et les embarcations, était enlevé par la mer en mille pièces, et dispersé au milieu des flots. J’étais alors avec le capitaine et quelques autres, attaché au flanc noyé du navire, plongé dans l’eau jusqu’au milieu de la poitrine. On entendit un cri effrayant, et le capitaine s’écria :

— Oh ! les pauvres gens des embarcations, c’en est fait d’eux ; Dieu veuille leur faire merci !

« Puis tout à coup il nous sembla que des masses de débris de bois rompus étaient précipitées sur nos têtes, nous fûmes enlevés, engloutis sous les lames. C’était la mort qui arrivait sur nous.

« Moins d’une demi-heure avait suffi pour détruire complètement le Tweed. La rapidité avec laquelle il fut dispersé en débris est effrayante, et l’on ne peut expliquer que par un miracle qu’il se soit encore sauvé tant de personnes. Je ne sais pas bien ce qui arriva des autres ; mais pour moi, après avoir été englouti par les vagues, elles me jetèrent, en