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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/61

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LES AVENTURIERS DE LA MER


se retirant, sur un des débris qui se trouva être une des fenêtres de l’arrière, tenant encore à une partie de l’étambot. Je m’y attachai avec neuf autres personnes, entraînés et couverts à tout instant par les lames, heurtés par elles contre des débris qui nous faisaient mille contusions cruelles. Nous tînmes bon cependant jusqu’à ce que la lame nous eût conduits en dedans des brisants et dans les eaux plus calmes. Ainsi portés, nous fûmes jetés si avant dans le récif, que l’un de nous sentit le fond avec ses pieds. Ce fut une bonne nouvelle quand il nous dit qu’il voyait beaucoup de gens rassemblés à peu de distance, se tenant comme ils pouvaient aux débris que la mer avait chassés dans l’intérieur des brisants. Il pouvait être alors quatre heures et demie du matin.

« Quelques-uns d’entre nous quittèrent les débris qui nous avaient sauvés, mais les blessés y restèrent attachés jusqu’au point du jour. Quel désolant tableau se présenta alors à nos regards ! Sur un mille au moins d’étendue, on ne voyait que des débris de notre naufrage, des membrures, des bordages, des portes, des embarcations brisées, des lits, des malles, des barils, des coffres, etc. Tout ce qui restait de notre navire si magnifique la veille, c’était la machine et une des roues, sur le tambour de laquelle se trouvait encore une embarcation. Sur ce dernier débris étaient suspendues une quarantaine de personnes, auxquelles nous ne pouvions prêter la moindre assistance.

« Nous apprîmes alors que le récif sur lequel nous nous étions perdus devait être l’Aleranes. C’est un bas-fond, long d’environ 15 milles sur 12 de large, distant d’environ 65 milles de la côte la plus prochaine. C’est un rocher complètement noyé, mais sur lequel on ne trouve en certains endroits, à marée basse, que dix-huit pouces d’eau. Heureusement pour nous, nous nous étions échoués à marée basse ; si l’événement fût arrivée à marée haute, où l’on trouve toujours, au moins quatre à cinq pieds d’eau de profondeur, nous étions perdus sans ressource, et aucun de nous n’eût échappé.

« Dès que nous pûmes nous reconnaître, nous construisîmes avec les débris du navire une plate-forme élevée pour nous mettre à l’abri de la marée qui allait revenir, et nous nous y plaçâmes à la hâte, avec les quelques provisions que nous avions pu recueillir parmi les épaves. Grande fut notre anxiété pendant quelques heures ; nous nous demandions si les flots ne renverseraient pas ce frêle édifice pour lequel nous n’avions même pu trouver de cordes, ou si leur hauteur