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LES AVENTURIERS DE LA MER


fourni par le naufrage de la Blanche-Nef où périrent les deux fils du roi d’Angleterre Henri Ier, et toute leur suite, le 25 novembre 1120. Peu de sinistres maritimes ont eu autant de retentissement. Ce fut un désastre public ; les chroniqueurs en notèrent les moindres détails, les poètes en firent le sujet de leurs vers.

Louis VI, dit le Gros, régnait en France, Henri Ier en Angleterre ; Henri possédait aussi le duché de Normandie ; mais il se vit obligé de passer en France avec toute sa noblesse pour défendre ses droits et ses domaines. Après avoir mis ordre à ses affaires en Normandie, et avoir généreusement récompensé les chevaliers normands qui avaient combattu pour lui, Henri songea à reprendre le chemin de l’Angleterre, et fit réunir une flotte nombreuse à Barfleur.

Le roi allait s’embarquer, lorsqu’un Normand, Thomas fils d’Étienne, se présenta devant lui et, lui offrant en hommage un marc d’or, il lui dit :

— Mon père, Étienne, fils d’Érard, a servi le vôtre sur mer toute sa vie. Ce fut mon père qui, sur son vaisseau, transporta le duc Guillaume en Angleterre lorsqu’il alla combattre Harold. Il reçut à titre de récompense l’office de pilote du roi, sa vie durant, et fut comblé d’honneurs et de biens. Plaise à vous, seigneur roi, de m’accorder en fief le même office ; j’ai là pour votre royal service un vaisseau bien équipé qu’on appelle la Blanche-Nef.

Le roi répondit :

— Ta requête me plaît. J’ai choisi le vaisseau sur lequel je passerai et n’en veux point changer ; mais je te confie ce que j’ai de plus cher au monde, mes fils Guillaume et Richard, ainsi qu’une partie de la noblesse de mon royaume.

Lorsqu’ils apprirent l’heureux résultat de cette démarche, les matelots de la Blanche-Nef allèrent saluer les fils du roi ; et ceux-ci s’empressèrent de leur faire donner trois muids de vin pour se réjouir ensemble. Ils burent tellement qu’ils se trouvèrent bientôt très excités.

Cependant, sur l’ordre du roi, un grand nombre de barons, — trois cents environ, — avaient pris leurs dispositions pour le voyage. Plusieurs emmenaient, avec eux leurs enfants : dix-huit dames de grande naissance, filles, sœurs, nièces ou épouses de rois et de comtes, étaient dans leur compagnie. Mais lorsqu’il s’agit de s’embarquer, en voyant l’ivresse des matelots, quelques-uns refusèrent de monter à bord du navire : il y avait là une cinquantaine de rameurs et autres matelots