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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/72

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LES AVENTURIERS DE LA MER


d’énergie, d’amour du métier : épaves humaines ne faisant qu’un avec les débris du navire.

Enfin, après des heures d’une inexprimable angoisse, le jour paraît. Avec quelle avidité tous les yeux se dirigent du côté où l’on s’attend à reconnaître la terre ! Quelle impatience de vérifier si l’on en est bien loin ! c’est à qui tentera de l’apercevoir ; on la voit enfin ; mais à quelle distance ! on est séparé d’elle par des barres et des brisants où la mer s’engouffre et vole en écume à une hauteur prodigieuse. C’est alors que l’on peut juger de la vraie position du navire ; ses mâts et son beaupré sont rompus ; le pont est défoncé, la coque éventrée ; tout ce qu’il en reste représente l’effondrement. La cargaison s’éparpille autour d’un point central, — restes désagrégés de ce qui fut un vaillant navire et où maintenant rendent l’âme quelques malheureux livides et tremblants, le regard errant avec effroi sur cette mer de destruction.

Ici les souvenirs désastreux, les noms de navires naufragés se présentent en foule. Nommons ceux dont la perte a eu le plus de retentissement.

C’est le vaisseau hollandais le Batavia, commandé par François Chelsart, qui échoua près de la Concorde, sur le littoral de l’Australie, ayant à son bord trois cents personnes environ en y comprenant les passagers ; parmi ceux-ci se trouvaient des femmes et des enfants (1630). Ce naufrage causa longtemps une profonde impression sur les esprits, à cause des souffrances qu’eurent à endurer les survivants, débarqués sur des îlots : on vit se produire la rébellion d’une partie de l’équipage, le massacre d’une trentaine d’opposants, et d’autres scènes d’horreur.

Le vaisseau le Sussex, de la Compagnie des Indes, abandonné par son capitaine et la plus grande partie de l’équipage à la suite d’une tempête qui avait produit des voies d’eau, fut conduit par John Dean et quelques-uns de ses camarades près de la côte de Madagascar ; mais le vaisseau toucha et fut poussé par une grosse mer contre les écueils (1738). Ajoutons que cinq hommes seulement abordèrent à Madagascar, et bientôt quatre des malheureux compagnons de John Dean expirèrent de faim et de fatigue, malgré les quelques secours qu’ils reçurent de la population de l’île.

Mais ce n’est pas toujours la tempête qui cause la perte des navires qui vont se jeter sur des récifs à fleur d’eau ou se briser à la côte. Un exemple mémorable de la témérité ou de l’inexpérience d’un pilote est