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LES AVENTURIERS DE LA MER


avec des cris déchirants, puis disparurent pour toujours. En moins d’un quart d’heure, plus de quatre-vingt-dix personnes, parmi lesquelles M. J.-N. Morton, rédacteur en chef du Boston Globe, et M. Oscar Iasigi, consul général de Turquie, périrent de cette façon.

Sept passagers avaient réussi à s’échapper sur un radeau. Restaient une trentaine de passagers et marins qui s’étaient accrochés aux agrès, et qui demeuraient là suspendus, glacés, épouvantés à la vue des eaux montant rapidement, et qui n’allaient pas tarder à arriver jusqu’à eux.

Vers huit heures du matin, on aperçut du haut du promontoire de Gay-Head le drame qui se passait en mer. Un premier bateau de sauvetage fut mis à l’eau, et, à sa suite, le bâtiment douanier le Dexter. Le sauvetage des malheureux accrochés en grappe aux cordages offrit, comme toujours, beaucoup de difficultés.

Les canots ne pouvaient approcher, de crainte de se briser contre la mâture du City-of-Columbus qui, seule, dépassait maintenant le niveau de l’eau. Les naufragés durent lâcher les agrès et se jeter à la mer pour nager jusqu’aux bateaux qui les recueillaient un à un. Cela dura jusqu’à midi. Plusieurs d’entre eux se noyèrent en cherchant à atteindre les canots ; un autre, épuisé par la fatigue, tomba comme une masse et disparût ; trois autres encore, recueillis à bord du Dexter, moururent de froid avant d’arriver à New-Bedford, où les conduisait le bâtiment douanier.

On nota quelques exemples de véritable héroïsme : celui du capitaine Wright, qui demeura le dernier sur le steamer sombré, et surtout celui du lieutenant Rhodes du Dexter, qui se fit attacher une corde autour de la ceinture, se jeta à la mer pour aller sauver des naufragés, heurta un débris de navire qui lui fit à la jambe une profonde entaille, retourna sur le Dexter pour se faire panser, et se rejeta de nouveau à l’eau pour accomplir sa mission de dévouement.

Dans le grand Océan, de nombreuses îles sont entourées, à quelques milles de leur littoral, d’une véritable ceinture de récifs madréporiques. Chaque île, avec ses récifs, constitue un ensemble auquel on a conservé le nom indien d’Attole. C’est sur les récifs de Vanikoro que périrent les deux frégates conduites par la Pérouse dans un voyage autour du monde : l’Astrolabe et la Boussole. Ce n’était le fait ni de l’impéritie, ni d’une ignorance coupable : ces parages du grand Océan n’étaient pas encore connus.