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LES AVENTURIERS DE LA MER


amener la perte du bâtiment marchand la Clio en 1818. Ce qu’il y a de particulier dans la traversée difficile que fit ce navire, de la Martinique à Falmouth (Angleterre), c’est que pendant quarante-neuf jours il demeura en péril de sombrer, ayant toujours la mer mauvaise, sa mâture abattue par les lames et l’eau augmentant dans la cale, bien que les pompes fussent sans cesse en mouvement. Un navire américain, puis un brick suédois rencontrés donnèrent au bâtiment en détresse quelques provisions : le premier, une barrique d’eau, un quart de biscuit, un fanal et quelques chandelles ; le second, deux barriques d’eau, du biscuit, des légumes, un peu de bœuf. — Il faut avouer que le capitaine de la Clio, François Clémence, de Dieppe, et son équipage donnèrent en cette circonstance un rare exemple d’énergie.

Il arrive qu’une voie d’eau se produit accidentellement et dans des conditions telles que les pompes ne suffisent pas toujours à vider le navire à mesure qu’il se remplit. L’eau gagne et l’équipage n’a que la ressource d’abandonner le navire en perdition ; heureux s’il se trouve à proximité quelque bâtiment en mesure de sauver les hommes réfugiés dans des canots.

Une voie d’eau se déclara à l’arrière du bateau à vapeur ottoman le Silistria, à la suite de la rupture de l’hélice (1859). Ce navire, parti d’Alexandrie pour Constantinople, avait à son bord trois cent soixante personnes, — équipage et passagers. L’accident eut lieu vingt-quatre heures après que le bateau à vapeur avait levé l’ancre. On ne se trouvait donc pas très loin du littoral égyptien et l’on pouvait s’attendre à rencontrer quelque navire.

On en rencontra deux successivement. Le premier ne tint compte ni des signaux de détresse, ni des appels par le canon et s’éloigna ; le second, un brick égyptien, le Reis-Ibrahim, ne voulut consentir à porter secours au navire en péril que moyennant une grosse somme d’argent payée comptant, et un contrat en bonne forme pour le surplus.

L’équipage turc du Silistria, sous l’influence du fatalisme musulman, ne faisait rien pour combattre l’invasion de l’eau ; et le capitaine et les siens, yatagans dégainés, résistaient aux remontrances et aux exhortations des passagers. On vit rouler la tête d’un Croate, et plusieurs matelots autrichiens portèrent les marques du tranchant de l’acier. Par toutes, ces raisons, le dénouement inévitable arriva. Le troisième jour, le bâtiment à vapeur s’abîmait à la vue du voilier égyptien, et