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LES AVENTURIERS DE LA MER


non dans l’abordage, ne se montre pas toujours disposé à faire l’impossible pour sauver les malheureux qu’il a exposés à la mort.

Le plus souvent les collisions ont lieu dans la nuit. Soudain un choc terrible ébranle le navire. Quel réveil ! Les marins sont habitués au danger ; mais quand il y a des passagers sur un bâtiment, comptant avec impatience les jours et les heures qui diminuent d’autant la traversée…

Ils ne parviennent pas à se rendre compte tout de suite de ce qui arrive ; ils entendent courir sur le pont, où se heurtent des commandements, hélas ! trop tardifs ; où l’on s’interpelle avec d’étranges accents dans la voix. Des exclamations furieuses, des imprécations dévoilent bientôt l’horreur d’une situation désespérée. Les passagers sortent de leurs cabines à demi vêtus et, par toutes les issues, envahissent le pont, où se pressent déjà les matelots interdits : si les passagers se montrent plus affolés, les marins, par leur contenance, laissent voir plus de crainte sérieuse.

Il arrive que dans la collision le navire abordeur, en pénétrant dans les œuvres vives de l’autre navire, a fait d’abord quelques victimes. Des cris lamentables sortent de dessous les débris ; ceux qui survivent de ces premiers atteints, apparaissent ensanglantés.

Mais une voie d’eau est ouverte ; la mer entre en bouillonnant. Le travail des pompes ne peut avoir aucune utilité. Il va falloir quitter ce navire qui semble déjà se dérober sous les pieds de chacun. Malheureusement, plusieurs canots ont été brisés par le fait de l’abordage — il en est presque toujours ainsi ; — et cela diminue les chances de salut. On veut mettre à l’eau ceux que l’on possède encore ; mais dans la hâte extrême, les manœuvres s’exécutent mal, ou bien passagers et matelots se précipitent en si grand nombre dans les embarcations, qu’ils les font chavirer à peine sont-elles à flot.

Et cependant, quelques minutes encore, et le navire va s’engloutir, et la mort — une mort horrible — semble réservée à tous ces gens pleins de vie tantôt, qui n’attendaient pas la mort, ainsi que peuvent le faire les malades comme une délivrance à leurs maux, et les criminels comme un châtiment mérité. Aussi des scènes indescriptibles se produisent-elles ; les femmes se lamentent, les enfants pleurent ; on n’entend que des cris affreux ; les épouses s’efforcent de rejoindre leurs maris, les mères de retrouver leurs enfants ; une mère, égarée par la douleur, veut retourner dans les cabines que l’eau envahit déjà et où elle a laissé ses pauvres petits en les rassurant par une caresse ; une fille s’attache