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LES AVENTURIERS DE LA MER


de se sentir vivre encore, ils font des efforts pour atteindre un mât, une vergue à leur portée. Ils saisissent la pièce de mâture ; mais elle roule, et à chaque tour quelques-uns des malheureux qui s’y cramponnent, à bout de force, paralysés dans leurs mouvements par le froid de l’eau, disparaissent en poussant un long cri : Sauvez-moi ! Sauvez-moi ! répètent ces infortunés dans leur frayeur d’une mort prochaine, inévitable, car ils sentent qu’ils succombent dans la lutte soutenue. Il y a des appels plus déchirants encore : — Mon père ! mon père ! — Oh ! mon enfant !… Quelquefois un adieu résigné à des camarades de bord avec qui on avait partagé tant de dangers ! Un sourire décoloré qui semble dire : Au revoir !

Cette agonie dure parfois des heures !

Le sauvetage a commencé, — quand il y a sauvetage ! Les canots recueillent ceux qui surnagent, ceux qui, se trouvant sur le pont au moment où le navire sombrait, sont revenus sur l’eau et ont réussi à s’y maintenir ; d’autres, en grand nombre, ont coulé de nouveau, cette fois pour ne plus reparaître…

On ne sait ce que doit le plus redouter un navire, d’être abordé en pleine mer par un autre navire ou de toucher sur un écueil. Quand un navire passe au-dessus d’un bas-fond et s’y arrête, si furieuse que soit la mer contre cet obstacle qui surgit tout à coup devant ses vagues, elle met encore un certain temps à le briser, à le détruire. Dans l’abordage, si la voie d’eau est trop grande pour qu’on puisse songer à l’aveugler, la perspective de sombrer est en quelque sorte immédiate. Il est vrai que, comme compensation, le navire n’est pas seul alors, un autre navire ne se trouve pas bien loin : celui qui a occasionné le sinistre et d’où peut venir le secours.

Ce secours d’un navire à un autre fait rarement défaut. Il est pourtant arrivé trop de fois que, par crainte de réclamations pécuniaires pour le dommage causé, le navire abordeur poursuit sa route à la faveur de la nuit ou du brouillard, comme un malfaiteur. Réclamation de secours, appels éperdus, cris désespérés : rien n’y fait. Ce sont là des choses qui révoltent…

Après les échouements, ce sont les collisions qui fournissent le plus de naufrages. La liste en serait bien longue s’il était possible de l’établir ! Bornons-nous, sans remonter trop loin dans le passé, de rappeler ceux de ces sinistres qui ont causé le plus de deuil.

Le 19 février 1841, le Governor-Fenner, parti de Liverpool pour