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Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/137

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le monde extérieur du temps et de l’espace, il peut se multiplier indéfiniment lui-méme dans le monde intérieur de l’esprit.


XLVII. — LES DÉLICATS.


Tout besoin en général est une humiliation, presque une ignominie, et il se dissimule d’autant plus que l’âme a plus de fierté et de pudeur. Les besoins du cœur n’échappent point à cette loi. Mais les honteux ont toujours tort et ce sont les audacieux qui sont les habiles. De même que l’épiderme trop sensible est une cause permanente de douleur, ainsi la délicatesse trop scrupuleuse, apanage des belles âmes, leur attire mille ennuis et maint échec. L’hermine de la fable reste sur le bord du marais que le pourceau franchit. Vous êtes discrets et timides, dans le marché de la vie : vous serez dupes.


XLVIII. — BON SIGNE.


Combien ceux qui peuvent supporter la critique, et qui l’implorent de vrai cœur, sont moralement supérieurs à ceux qui ne peuvent l’un et qui ne font pas l’autre !


XLIX. — CONSEILLERS DU LENDEMAIN.


Parler trop tard, critiquer au lieu d’avertir, est facile, mais peu généreux : on flatte ainsi sa propre vanité sans se compromettre, et l’on fait montre