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Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/153

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toutes les étoiles est venu couronner cette brillante journée par une riante nuit. Au bout de ma lunette, la lune aussi, qui approchait de son plein, prit un nouvel aspect. Avec son contour cailleboté au défaut de la courbe et gercé de cratères, l’astre, quittant la forme du disque pour celle de la sphère, m’apparut comme un aérostat glorieux, brillant dans la nuit d’une lumière intérieure et voguant en silence, vers un but inconnu, dans les champs bleus de l’espace étoile. Ah ! pendant que nos yeux voient, que notre cœur sent, que nous sommes jeunes et que la maladie n’assombrit pas pour nous le ciel, regardons, sentons, admirons et n’amoindrissons pas, par négligence, notre part de bonheur !

LXXI. — AVRIL.

Ce matin, l’air était calme, le ciel légèrement voilé. À mon lever, j’ai voulu suivre au jardin les progrès de la végétation ; j’ai fait la revue des iris et des lilas, des plates-bandes et des bosquets. Charmante surprise ! Au tournant d’une allée, à demi caché dans l’enfoncement d’un massif, un chorchorus à petites feuilles avait fleuri. Il s’était ouvert pendant la nuit sous un baiser des étoiles. Frais et pimpant comme un bouquet de noces, l’arbuste couronné brillait devant moi dans tout l’attrait séduisant d’une éclosion commencée. Je saluai du regard et du cœur ces fleurs nouveau-nées….. Que ces corolles blanches, discrètement épanouies comme des pensées qui vous sourient