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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/118

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calomnient Satan et les démons. Qu’il puisse être, en quelque monde inconnu, des êtres plus méchants encore que les hommes, c’est possible, bien que presque inconcevable. Assurément, s’ils existent, ils habitent des régions privées de lumière et, s’ils brûlent, c’est dans les glaces, qui, en effet, causent des douleurs cuisantes, non dans les flammes illustres, parmi les filles ardentes des astres. Ils souffrent, puisqu’ils sont méchants et que la méchanceté est un mal ; mais ce ne peut être que d’engelures. Quant à votre Satan, messieurs, qui est en horreur à vos théologiens, je ne l’estime pas si méprisable à le juger par tout ce que vous en dites, et, s’il existait d’aventure, je le tiendrais non pour une vilaine bête, mais pour un petit Sylphe ou tout au moins pour un Gnome métallurgiste un peu moqueur et très intelligent.

Mon bon maître se boucha les oreilles et s’enfuit pour n’en point entendre davantage.

— Quelle impiété, Tournebroche, mon fils, s’écria-t-il dans l’escalier, quels blasphèmes ! Avez-vous bien senti tout ce qu’il y avait de détestable dans les maximes de ce philosophe ? Il pousse l’athéisme jusqu’à une sorte de frénésie joyeuse, qui m’étonne. Mais cela même