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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/170

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plus longue que la nôtre. Les Salamandres promènent de siècle en siècle leur inaltérable jeunesse ; quelques-unes ont vu Noé, Menés et Pythagore. La richesse de leurs souvenirs et la fraîcheur de leur mémoire rendent leur conversation extrêmement attrayante. On a prétendu même qu’elles acquéraient l’immortalité dans les bras des hommes et que l’espoir de ne point mourir les attirait dans le lit des philosophes. Mais ce sont là des mensonges qui ne peuvent séduire un esprit réfléchi. Toute union des sexes, loin d’assurer l’immortalité aux amants, est un signe de mort, et nous ne connaîtrions pas l’amour, si nous devions vivre toujours. Il n’en saurait être autrement des Salamandres, qui ne cherchent dans les bras des sages qu’une seule espèce d’immortalité : celle de la race. C’est aussi la seule qu’il soit raisonnable d’espérer. Et, bien que je me promette, avec le secours de la science, de prolonger d’une façon notable la vie humaine, et de l’étendre à cinq ou six siècles pour le moins, je ne me suis jamais flatté d’en assurer indéfiniment la durée. Il serait insensé d’entreprendre contre l’ordre naturel. Repoussez donc, mon fils, comme de vaines fables, l’idée de cette immortalité puisée dans un baiser.