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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/200

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Ange au derrière. Il parlait poliment et me traitait en gentilhomme. Je sentis toute la faveur qu’il me faisait en consentant à me couper la gorge. Mon bon maître n’était pas moins sensible à tant d’urbanité. S’étant suffisamment secoué :

— Jacques Tournebroche, mon fils, me dit-il, nous ne pouvons pas refuser une si gracieuse invitation.

Déjà deux laquais étaient descendus avec des flambeaux. Ils nous conduisirent dans une salle où un ambigu était préparé sur une table éclairée par deux candélabres d’argent. M. d’Anquetil nous pria d’y prendre place et mon bon maître noua sa serviette à son cou. Il avait déjà piqué une grive à sa fourchette quand un bruit de sanglots déchira nos oreilles.

— Ne prenez point garde à ces cris, dit M. d’Anquetil, c’est Catherine qui gémit dans la chambre où je l’ai enfermée.

— Ah ! monsieur, il faut lui pardonner, répondit mon bon maître qui regardait tristement le petit oiseau au bout de sa fourchette. Les mets les plus agréables semblent amers, assaisonnés de larmes et de gémissements. Auriez-vous le cœur de laisser pleurer une femme ? Faites grâce à celle-ci, je vous prie !