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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/312

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sortent de la verdure. C’est une ville, et, sans même chercher son histoire et son nom, il nous convient d’y réfléchir, comme au plus digne sujet de méditation qui puisse nous être offert sur la face du monde. En effet, une ville, quelle qu’elle soit, donne matière aux spéculations de l’esprit. Les postillons nous disent que voici Montbard. Ce lieu m’est inconnu. Néanmoins je ne crains pas d’affirmer, par analogie, que les gens qui vivent là, nos semblables, sont égoïstes, lâches, perfides, gourmands, libidineux. Autrement, ils ne seraient point des hommes et ne descendraient point de cet Adam, à la fois misérable et vénérable, en qui tous nos instincts, jusqu’aux plus ignobles, ont leur source auguste. Le seul point sur lequel on pourrait hésiter est de savoir si ces gens-là sont plus portés sur la nourriture que sur la reproduction. Encore le doute n’est-il point permis : un philosophe jugera sainement que la faim est, pour ces malheureux, un besoin plus pressant que l’amour. Dans ma verte jeunesse, je croyais que l’animal humain était surtout enclin à la conjonction des sexes. Mais c’était un leurre, et il est clair que les hommes sont plus intéressés encore à conserver la vie qu’à la