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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/318

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timer que ces mendiants, rongés d’ulcères et de vermine, sont plus malheureux que les rois et que les reines. Il ne faut même pas dire qu’ils sont plus pauvres, si, comme il paraît, le liard que cette goitreuse a ramassé dans la poussière et qu’elle serre sur son cœur en bavant de joie, lui semble plus précieux que n’est un collier de perles à la maîtresse d’un prince-évêque de Cologne ou de Salzbourg. À bien entendre nos spirituels et véritables intérêts, il nous faudrait envier l’existence de ce cul-de-jatte qui rampe vers vous sur les mains, préférablement à celle du roi de France ou de l’empereur. Leur égal devant Dieu, il a peut-être la paix du cœur qu’ils n’ont point et les trésors inestimables de l’innocence. Mais serrez vos jupes, mademoiselle, de peur qu’il n’y introduise la vermine dont je le vois couvert.

Ainsi parlait mon bon maître, et nous ne nous lassions point de l’écouter.

À trois lieues environ de Montbard, un trait ayant cassé et les postillons manquant de corde pour le raccommoder, comme cet endroit de la route est éloigné de toute habitation, nous demeurâmes en détresse. Mon bon maître et M. d’Anquetil tuèrent l’ennui de ce repos forcé en jouant aux cartes avec cette querel-