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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/337

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noire. Et du moins vous l’avez entendue.

— Nous ne l’avons pas entendue, dit Jahel.

— C’est donc, fit l’abbé, que cette nuit est aveugle et sourde. Car il n’est pas croyable que cette calèche, dont point une roue n’était rompue ni un cheval boiteux, soit restée sur la route. Qu’y ferait-elle ?

— Oui, qu’y ferait-elle ? dit Jahel.

— Ce souper, dit mon bon maître, rappelle en sa simplicité ces repas de la Bible où le pieux voyageur partageait, au bord du fleuve, avec un ange, les poissons du Tigre. Mais nous manquons de pain, de sel et de vin. Je vais tenter de tirer de la berline les provisions qui y sont renfermées et voir si, de fortune, quelque bouteille ne s’y serait point conservée intacte. Car il est telle occasion où le verre ne se brise point sous le choc qui a rompu l’acier. Tournebroche, mon fils, donnez-moi, s’il vous plaît, votre briquet ; et vous, mademoiselle, ne manquez point de retourner les poissons. Je reviendrai tout de suite.

Il partit. Son pas un peu lourd s’amortit peu à peu sur la terre de la route, et bientôt nous n’entendîmes plus rien.

— Cette nuit, dit M. d’Anquetil, me rappelle celle qui précéda la bataille de Parme.