Aller au contenu

Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’horreur. Je courus dans la direction d’où venait cette clameur de mortelle détresse. Mais la peur et l’ombre amollissaient mes pas. Parvenu enfin à l’endroit où la voiture gisait informe et grandie par la nuit, je trouvai mon bon maître assis au bord du fossé, plié en deux. Je ne pouvais distinguer son visage. Je lui demandai en tremblant :

— Qu’avez-vous ? Pourquoi avez-vous crié ?

— Oui, pourquoi ai-je crié ? dit-il d’une voix altérée, d’une voix nouvelle. Je ne savais pas que j’eusse crié. Tournebroche, n’avez-vous pas vu un homme ? Il m’a heurté dans l’ombre assez rudement. Il m’a donné un coup de poing.

— Venez, lui dis-je, levez-vous, mon bon maître.

S’étant soulevé, il retomba lourdement à terre.

Je m’efforçai de le relever, et mes mains se mouillèrent en touchant sa poitrine.

— Vous saignez ?

— Je saigne ? Je suis un homme mort. Il m’a assassiné. J’ai cru d’abord que ce n’était qu’un coup fort rude. Mais c’est une blessure dont je sens que je ne reviendrai pas.

— Qui vous a frappé, mon bon maître ?