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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/345

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postillon tirait la bride et portait la lanterne. Jahel suivait en pleurant. M. d’Astarac avait regagné sa calèche. Nous avancions doucement. Tout alla bien tant que nous fûmes sur la route. Mais quand il nous fallut gravir l’étroit sentier des vignes, mon bon maître, glissant à tous les mouvements de la bête, perdit le peu de forces qui lui restaient et s’évanouit de nouveau. Nous jugeâmes expédient de le descendre de sa monture et de le porter à bras. Le postillon l’avait empoigné par les aisselles et je tenais les jambes. La montée fut rude et je pensai m’abattre plus de quatre fois, avec ma croix vivante, sur les pierres du chemin. Enfin la pente s’adoucit. Nous nous enfilâmes sur une petite route bordée de haies, qui cheminait sur le coteau, et bientôt nous découvrîmes sur notre gauche les premiers toits de Vallars. À cette vue, nous déposâmes à terre notre malheureux fardeau et nous nous arrêtâmes un moment pour souffler. Puis, reprenant notre faix, nous poussâmes jusqu’au village.

Une lueur rose s’élevait à l’orient au-dessus de l’horizon. L’étoile du matin, dans le ciel pâli, luisait aussi blanche et tranquille que la lune, dont la corne légère pâlissait à l’occi-