Aller au contenu

Page:Anatole France - M. Bergeret à Paris.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce n’est pas difficile de parler aux électeurs.

— Ce n’est pas difficile, si vous voulez, reprit l’élu Lacrisse, mais c’est délicat. Nos adversaires crient que nous n’avons pas de programme. C’est une calomnie ; nous avons un programme, mais…

— La chasse à la perdrix, voilà le programme, messieurs, dit Jambe-d’Argent.

— Mais l’électeur, poursuivit Joseph Lacrisse, est plus complexe qu’on ne se le figure tout d’abord. Ainsi, moi, j’ai été élu aux Grandes-Écuries, par les monarchistes naturellement, et par les bonapartistes, et aussi par les… comment dirai-je ? par les républicains qui ne veulent plus de la République, mais qui sont républicains tout de même. C’est un état d’esprit qui n’est pas rare à Paris, dans le petit commerce. Ainsi le charcutier, qui est le président de mon Comité, me le crie à plein gosier :

« La République des républicains, je n’en veux plus. Si je pouvais, je la ferais sauter,