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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/111

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« J’ai l’idée, Leclerc, que cette nuit-là Charles X songeait à Mme de Polastron, qui l’avait aimé lorsqu’il était le brillant comte d’Artois, qui l’alla rejoindre à l’armée de Condé où il traînait les misères de l’exil, et qui, lui apportant sous la tente, au milieu des soldats, ses diamants, ses bijoux, son or ramassé à la hâte, lui sacrifia sa fortune et son honneur. Qu’en pensez-vous, Leclerc ? »

L’armurier hocha la tête ; il était visible qu’il n’en pensait rien.

M. de Gerboise reprit vivement :

« Oui, j’aime à penser, Leclerc, que cette nuit-là, à Saint-Cloud, trente-cinq ans après la mort de Mme de Polastron, Charles X pleurait sa meilleure amie. Et il avait bigrement raison.

« Leclerc, nous avons tort, tous les deux, de nous obstiner à vivre.

— Pourquoi donc, monsieur le marquis ? demanda l’armurier.

— Parce que, mon ami, ce n’est pas la peine de rester en ce monde quand on n’y fait plus l’amour. Et puis nous ne reverrons plus nos rois. »

J’avais dès lors quelques raisons de croire que Charles X fut l’esprit le plus léger et la tête