Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/262

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pelle grillée et qu’on nomme les Trois-Chevaliers. Et tout de suite les roues de la carriole résonnent sur le pavé désert d’une rue de village aux maisons basses à grands pignons. Nous sommes à Notre-Dame de Liesse, autrefois si fréquentée et maintenant délaissée et tombée dans un morne abandon. Notre-Dame de Lourdes a fait grand tort à la dame de Liesse comme à toutes les saintes Vierges de l’ancienne France. Cette belle dame de Lourdes, avec son écharpe bleue, attire dans sa ville d’eau tous les pèlerins, et il n’est bruit que d’elle. Une dame pieuse, qui regrette les vieux sanctuaires, me disait : « On ne peut le nier : cette Vierge de Lourdes est obligeante, serviable, entendue, empressée, je dirai même obséquieuse. Elle se multiplie pour se rendre utile. Elle guérit les malades, recommande les jeunes gens à leurs examens, fait des mariages et vend du chocolat. Entre nous, je la trouve un peu intrigante. »

La Vierge de Liesse ne sait pas si bien faire ses affaires. Elle est oubliée ; cela s’aperçoit tout de suite quand on entre dans la petite ville endormie. On me dit qu’elle se réveillera le mois prochain, lors des grands pèlerinages ; mais je