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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/273

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songea aux jardins pleins d’eaux vives et soupira ; le chevalier de Marchais songea aux belles esclaves et demeura rêveur ; le chevalier aux armes blanches songea au cheval syrien et aux lames de Damas, et un grand cri jaillit comme une flamme de sa poitrine. Mais tous trois repoussèrent les présents du calife.

En vain le gardien de la prison, qui était un vieillard abondant en discours, leur conta les plus beaux apologues arabes pour leur persuader de quitter la foi chrétienne ; ils ne se laissèrent pas séduire par des contes ingénieux, non plus que par l’exemple d’un baron normand qui, s’étant fait adorateur de Mahom, vivait à Smyrne de fruits confits, avec une douzaine de femmes qu’il vendait quand elles ne lui plaisaient plus.

Par tout ce qu’on lui rapportait de leur constance, le calife vit bien que les trois fils de Mme d’Eppes ne viendraient à la religion sarrasine ni par la peur des supplices ni par l’appât des richesses et des voluptés. Il se flatta de les y amener par la dialectique. Il leur envoya dans leur cachot les plus savants docteurs arabes qui leur tenaient chaque jour les raisonnements les plus subtils. Ces docteurs connaissaient Aris-