Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/301

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place dans les demeures de Hadès. Il est de ces morts qui, n’ayant point été ensevelis, errent misérablement autour des habitations et reviennent demander, la nuit, à ceux qu’ils ont laissés en ce monde, un peu de terre pour couvrir leur malheureux corps. C’est une âme en peine. Il avait accompagné Ulysse dans ses voyages, et il était encore auprès de lui dans l’île d’Ea. Se trouvant la nuit sur le toit plat de la maison de Circé, il en tomba par mégarde, et il se rompit le cou dans sa chute. On ne le regretta point parce que c’était un maladroit et un ivrogne. Ulysse, qui avait laissé son compagnon sur la place où il était tombé, fut très étonné de le voir chez les Cimmériens ; il lui en témoigna sa surprise.

« Comment, lui dit-il, cheminant à pied sous terre, es-tu arrivé plus vite que moi avec mon vaisseau ? »

Aristarque tenait cette question pour inepte. M. Alexis Pierron, éditeur d’Homère, affirme qu’elle est naïve, mais non point inepte. Elle était peut-être embarrassante, car Elpénor n’y répondit point. Il supplia en gémissant Ulysse de lui accorder les honneurs de la sépulture :

« Quand tu retourneras à l’île d’Ea, ne