Aller au contenu

Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« M’ame Mathias, qu’est-ce que tu as, dis ? »

Elle murmura, d’une voix faible que je ne lui connaissais pas :

« Il en avait un tout pareil.

— Qui donc ça ? M’ame Mathias, qui donc qu’en avait un tout pareil ? »

Et tirée par la robe, elle me regarda, de ses yeux brûlés, où l’on ne voyait que du rouge et du noir, toute surprise, comme si elle ne me savait plus là, et elle me répondit :

« Mais c’était Mathias, donc ; c’était Mathias.

— Qui Mathias ? »

Elle se passa la main sur les paupières qui restèrent froissées et tirées, mit soigneusement le couteau dans sa poche, sous son mouchoir, et me répondit :

« Mathias, mon mari.

— Alors, tu l’avais épousé.

— Je l’avais épousé pour mon malheur ! J’étais riche, j’avais un moulin à Aunot, près de Chartres. Il a mangé la farine, l’âne et le moulin, et tout ! Il m’a mise sur la paille et, quand je n’ai plus rien eu, il m’a quittée. C’était un ancien militaire, un grenadier de l’Empereur, blessé à Waterloo. Il avait pris du vice à l’armée. »