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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/46

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doré sous lequel est couché dans son tombeau rouge Napoléon, elle ne me conduisit pas vers les avenues monotones où elle se plaisait, assise sur un banc, à causer avec quelque invalide, tandis que je faisais des jardins dans la terre humide.

En ce jour de printemps, elle prit un chemin inaccoutumé, suivit des rues encombrées de passants et de voitures, bordées de boutiques où s’étalaient des objets innombrables et divers, dont j’admirais les formes sans en concevoir l’usage. Les pharmacies surtout m’étonnaient par la grandeur et l’éclat de leurs bocaux. Quelques-unes de ces boutiques étaient peuplées de grandes statues peintes et dorées. Je demandai :

« Quoi c’est, m’ame Mathias ? »

Et Mme Mathias me répondit avec la fermeté d’une citoyenne nourrie dans les faubourgs de Paris :

« C’est rien, c’est des bons dieux. »

Ainsi, dans ma tendre enfance, tandis que ma mère m’inclinait doucement au culte des images, Mme Mathias m’enseignait à mépriser la superstition. De la voie étroite où nous étions, une grande place plantée de petits arbres m’ap-