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Page:Anatole France - Poésies.djvu/79

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LA FILLE DE CAÏN


Esprit, puisqu’il te plaît d’aimer l’argile aimante,
Je livre à ton étreinte eflfroyable et charmante,
Ô ma vie et ma mort, fils révolté du jour !
Tout mon être qui va périr de ton amour,
Ma terrestre beauté dont je marchais si fière,
Ma face que tes yeux inondent de lumière,
Mes bras et leurs anneaux, mon col et ses colliers,
Et ma main refusée aux fils des chameliers.
Tu sauras, loin de Dieu, me cacher dans tes ailes.
Nos destins seront beaux comme les nuits sont belles. »

II



Le lendemain, la race humaine, à son réveil,
Vit se lever la mort et non pas le soleil.
La fille de Caïn dit, près de la fontaine :
« Azraël, connais-tu cette brise lointaine
Qui vient à nos baisers mêler un sel amer ?
N’entends-tu pas crier l’hirondelle de mer ?
La mer roule vers nous et c’est Dieu qui la mène.