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Page:Anatole France - Poésies.djvu/85

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HOMAÏ


Elle entra. Du nuage incertain de ses voiles
L’astre pur de son front se levait calme et blanc ;
Ses cheveux, comme un ciel, étaient semés d’étoiles,
Les gouttes froides des saphirs mouillaient son flanc ;

Ses pieds nus s’avançaient dans la lueur des bagues,
Les rubis à l’orteil dardaient leurs yeux ardents.
Et dans l’air enivré d’odeurs tièdes et vagues
Elle sourit avec de la lumière aux dents.

Et la voyant sourire à travers l’ombre noire,
L’émir se crut ravi dans le séjour divin,
Et joyeux il eut peur et frémit, prêt à boire
À cette bouche offerte un délicieux vin.

« Ô Beauté que l’Iran et la Nuit m’ont donnée,
Salut, dit-il ; et toi, Nuit de l’Irân, merci !
L’instant de ton regard vaut bien plus qu’une année,
Femme, car j’ai changé depuis que te voici.

« Autrefois, au-devant du sabre et de la lance,
Au front des cavaliers, dans le sang et les cris.
Sur ma noire jument j’avançais en silence,
Méditant les versets sur ma poitrine écrits.